Le triathlète est aussi un coureur, vous savez?
Retour sur l’entraînement de la course à pied pour un adepte de l’entraînement croisé.
Le triathlète est une bête mystérieuse. Et pas seulement parce qu’il porte des bas de compression et une visière pour aller à l’épicerie. Non plus parce que certains d’entre eux se sont fait tatouer un brand sur le mollet (sans être rémunérés à part de ça!). Nous reviendrons d’ailleurs bientôt sur tous ces signes distinctifs et identitaires…Il y a tant de choses apparemment bizarres et comiques qu’il faudra bien prendre un moment pour les expliquer; ce sera le sujet d’un prochain blogue. Mais aujourd’hui, le mystère étudié concerne la manière d’aborder la course à pied pour le triathlète.
S’il est de notoriété publique que la bête noire du triathlète moyen est, la plupart du temps, la natation, qu’il est à peu près entendu que bien des triathlètes sont très puissants en vélo mais qu’ils roulent tout croche dans un peloton de vrais cyclistes, force est de constater qu’à la course à pied, ils surprennent bien des « purs » coureurs en se qualifiant eux aussi pour Boston et en affichant des temps souvent très similaires aux habitués des 80 km et plus par semaine. Alors ma question : pourquoi le triathlète qui accumule les demi-Ironman et les Ironman à l’année perd-t-il la plupart de ses moyens (entendre ses habitudes) lorsqu’il s’inscrit à un demi marathon ou à un marathon à sec? Cette pensée me hante régulièrement.
Rappelons d’abord quelques détails pour ceux qui ignorent comment s’entraîne un triathlète. Selon les distances visées en compétition, le triathlète pratiquera généralement chaque discipline individuellement (natation, vélo, course) au moins deux fois chaque par semaine. À cela s’ajoute ce qu’on appelle une « brique »; c’est-à-dire un entraînement alternant deux disciplines (généralement course/vélo) une fois par semaine. La plupart des triathlètes ont aussi à leur plan une longue sortie de course et, en saison du moins, une longue sortie de vélo. Sauf pour ces dernières, la majorité des entraînements se font en pratiquant les fractionnés, ou intervalles, visant à simuler les différentes épreuves rencontrées, à travailler et repousser son seuil, etc. Bref, l’ensemble se fait surtout sous le signe de l’intensité, précédé d’éducatifs qui ont pour but d’affiner la technique et d’éviter les blessures. En somme, on construit l’endurance, on travaille la vitesse et le spécifique, la technique et le reste. J’oubliais : les plus avisés n’oublient pas le gainage et la musculation, surtout en hiver. Et vous savez quoi? Ils ont aussi une vie, un travail, une carrière, une famille, des passe-temps et d’autres passions. Ben oui, ils sacrifient des choses; le transport pour aller au travail, les jeux vidéo, Facebook, regarder les parties de hockey, faire du macramé, écrire de la poésie ou je ne sais quoi, mais ils y arrivent!
Mais là, revenons à nos moutons, le triathlète (je dis « le », mais je parle autant de « la », évidemment) s’est inscrit à un marathon et bang; il coupe dans ses sports préférés pour se concentrer sur la course à pied. Il en a pourtant déjà fait des marathons à sec (il y a deux ans déjà pour le dernier; une éternité pour la bête), et 4 ou 5 autres dans des Ironman, mais là, il stresse. Pourquoi? Je ne sais pas, il est comme ça. Il faut dire que dans un Ironman, il commence le marathon en se disant : c’est presque fini! Le marathon du Ironman, c’est l’étape où il n’y aura pas de crevaison ou de bris mécanique, pas de pénalité, c’est l’endroit où il pourra embrasser ses proches sur le côté de la route, si jamais ça se présente, sans trop bouleverser son satané chrono (mais il réfléchira, je vous le jure, avant de ralentir pour donner un bec au bébé qui ne sait pas, de toutes façons, ce qui se passe…). Pensez-y; commencer un marathon en se disant « c’est presque fini »… Tout ça pour dire que l’état d’esprit d’un marathon sur Ironman et celui d’un marathon à sec n’est pas du tout le même. S’il y a 26 lettres dans l’alphabet, je crois sincèrement que c’est pour permettre au triathlète d’avoir non seulement un plan B, mais peut-être un plan Z pour sa course à pied sur Ironman. Mais sur un marathon à sec, les triathlètes mettent la barre haute; ils ont peut-être un plan A-, à la limite un plan B+, mais l’ego ou l’esprit de compétition ont scrappé les autres lettres depuis un bout…Enfin, ils abordent la course à pied autrement car, secrètement, ils se disent qu’il y a « juste » un marathon à faire, et que ça serait bête d’être lent.
Ensuite, il y a cette histoire, cette espèce de légende qui dit qu’un marathon à sec, c’est plus difficile qu’un Ironman. Ne me partez pas. S-v-p, ne faites pas à ça, me partir. Disons, que tout ça revient à ce que je disais, c’est-à-dire, la manière d’aborder la course à pied. Tout est dans la manière, non? C’est que disait ma mère en tous cas. Parce qu’entre vous et moi et le canapé, plus, c’est plus. Le même athlète qui fait un sprint, un olympique, un demi-Ironman, un Ironman, un 5km ou un marathon, il va y aller avec toutes ses capacités, toutes; et plus, demeurera plus. On ne compare pas un Sprint fait par un élite avec un Ironman fait par un « finisher marcheur », hein? Vous êtes plus rusé que ça, j’en suis sûr.
Là, je parle et je parle, et j’ai l’air de m’éloigner. Mais non, le sujet que je voulais aborder est « l’entraînement de la course à pied pour un adepte de l’entraînement croisé et sa manière de l’aborder » et c’est précisément de ça dont on parle. Mon opinion? Calme-toi mon triathlète et continue ton entraînement dans les trois sports au lieu de trop focaliser sur ton marathon. Bien sûr, mets plus d’énergie sur ta course, consacres-y plus de temps, mais n’arrête pas tout le reste. Tu le sais, t’es construit pour ça et chacun de tes sports subventionne l’autre. Ton corps est habitué à subir des stress répartis sur 3 sports; ne gâche pas tout. Cours pas après les blessures. Et tu sais quoi? Tu ne feras pas subitement 2h30 si tu prenais 2h59 habituellement pour ton marathon, pas plus que tu ne fileras ton premier marathon sous les 4 heures si tu prends presque 7h pour faire un demi-IM, tout ça, uniquement parce que t’as arrêté de nager ou de pédaler pendant 3 mois. C’est pas moi qui le dit, c’est ton corps. Et un peu Sportstats aussi. Relaxe triathlète, t’es un bon coureur, je le sais. C’est presque choquant à quel point t’es bon coureur pour quelqu’un qui ne fait pas que de la course. Alors amuses-toi.
Probablement que tu gagnerais quelques minutes si tu ne faisais que courir, mais à quel prix? C’est ton année avec Boston en tête ou c’est ton premier marathon? Bien sûr, dans des cas comme ça, des cas d’objectifs bien précis, je comprends que tu slaque un peu le reste, mais dans l’ensemble, lâche pas la patate, ta course va bien aller, fais-toi confiance et fais confiance à l’entraînement croisé. Un dernier point? Lâche pas les éducatifs parce que t’as une longue sortie. Fais un réchauffement de dix ou quinze minutes, fais tes éducatifs, et après pars pour ta course en continu. Ce n’est pas tes 15-20 minutes de plus au début qui vont te tuer, au contraire. Laisser tomber les éducatifs n’est jamais une bonne idée…Tu ne sais pas ce que sont des éducatifs? Tu ne sais pas vraiment à quoi ça sert? Et bien tu viens de me donner une bonne idée de thème pour un prochain blogue; à bientôt, donc!
Bonne préparation de course et bonne saison!