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La côte d'Adam

La côte d'Adam

T’as montes-tu ta côte?

 

La côte d’Adam 6

« Quoi? T’as pas encore fait la côte? » Marco regarde Adam droit dans les yeux et n’entend plus à rigoler. Bien appuyé sur le guidon de ma monture, j’assiste au duel d’injures amicales (plus colorée que ce que je rapporte, mettons) entre mes deux partenaires d’entraînement. « C’est que…c’est le début de la saison et je comptais y aller progressivement » rétorque Adam. « Man, on est en juin. Ju-in. Pis c’est ta côte, c’est toi qui me l’a fait connaître; tu vas pas attendre la fin de la saison pour monter une maudite côte qui dure toujours ben rien qu’huit minutes max à grimper? T’as pas une course à Tremblant bientôt, toi? Je veux ben une progression dans l’entraînement, mais si tu veux progresser un jour… et si possible avant ta compé. » Il faut dire que Marco, pure cycliste, est souvent épuisé par les entraînements de ses amis triathlètes. Et particulièrement lorsqu’Adam entre en scène. C’est qu’il est un peu chochotte, Adam. Souvent en repos, toujours en train d’analyser et de comparer ses statistiques (et celles de Marco, exceptionnelles par ailleurs, qui n’en a rien à cirer lui-même). En plus, ce matin-là, Adam avait osé demander le dénivelé de ce secret bien gardé de Sainte-Adèle par rapport au Chemin Duplessis. La réponse de Marco n’avait pas tardé : « On est-tu vraiment en train d’avoir cette discussion-là? Je les sais-tu moi, les maudits dénivelés? Tu me présente une côte, je la monte, calvaire! » Marco en a marre des interrogations sur le choix de vélo (route ou tri pour ce parcours?), sur le choix des roues, sur le fait de rouler sans cesse le même parcours que celui de la course à venir, il en a marre qu’on roule ensemble mais pas ensemble (dans le sens de « pas de sillonage »), qu’on parte souvent courir après le vélo, et surtout, il n’en peut plus de nous voir étouffer de chaleur dans nos casques aéro. On l’épuise. Il paraît qu’on est dur à suivre. Pourtant, c’est plutôt lui qui est dur à suivre; il est toujours bien en avant de nous, même sans le fameux casque aéro. En plus, il parle aussi vite qu’il pédale. Mais un jour, il a pris le temps de bien nous dire une « vérité vraie » en détachant bien chaque syllabe lentement pour qu’on le comprenne une fois pour toute : « Sur le plat, tu t’améliores que sur le plat. En travaillant en côtes, tu t’améliores partout. » Bang.

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Meilleur partout

 Cette « vérité vraie », je la connaissais déjà bien car ma blonde, qui est aussi entraîneuse, la répète ad nauseam à ses coureurs frileux qui ne voudraient user leurs espadrilles que sur le complaisant plat. En fait, c’est presqu’aussi pire en course à pied qu’en vélo; les gens ne veulent pas grimper. Si à vélo ils ont davantage peur de blesser leur ego que de se péter les jambes, en course à pied, c’est au moins les vraies blessures qui les effrayent. Ils pourraient y aller graduellement, augmenter de semaine en semaine le degré de difficulté, l’intensité ou le chemin parcouru sur une pente, mais non, au lieu de repousser leurs limites, ils repoussent les côtes complètement jusqu’au jour où les côtes viendront à eux. Et croyez-moi, elles viendront. Je ne connais pas beaucoup de course sans côtes, moi. Et sur la distance marathon, il y en a presque toujours une, bien baveuse, qui s’avance au 30è voire au 35è km… « Sur le plat, tu t’améliores que sur le plat. En travaillant en côtes, tu t’améliores partout. » C’est aussi vrai que de dire que les côtes, ben, c’est moins platte. Dit de même, hein? Mais c’est vrai que le temps passe plus vite, que le travail est plus varié. Après tout, une des raisons de faire des intervalles est de simuler les difficultés…donc, de simuler aussi des côtes. Pourquoi ne faire que semblant quand il y a des dizaines d’entraînements disponibles pour le travail en côtes tant à vélo qu’à la course à pied. Fouille et trouve ces entraînements. Utilise les côtes de ton entourage; ça va te servir. Si tu fais du triathlon, tu le sais, il n’y a que la portion natation qui se fait totalement sur le plat. Si t’as déjà fait le 70,3 de l’Esprit de Montréal ou pire, le 140,6 (oui, oui : il y a déjà eu un complet à l’Esprit), t’as compris qu’il y avait des dénivelés même sur ce circuit à l’envers, mais t’as surtout compris que ça peut être long longtemps, le plat. Le plat, ça vient te jouer dans la tête comme un film roumain sous-titré en russe. Puis si t’aimes l’équité, surtout si t’es fort à vélo, t’as aussi compris que t’es mieux de choisir des triathlons avec des côtes si tu ne veux pas devenir fou avec la triche. Et oui, sur le plat, il y a beaucoup de tricheurs, beaucoup d’athlètes qui se collent à ta roue malgré les règles l’interdisant. En côtes, c’est forcément moins intéressant pour eux. Car n’en déplaise à certains officiels de Triathlon Québec, le « drafting » en côtes, ça ne sert pas à grand-chose en triathlon. Nous ne sommes pas au Tour de France à parcourir 3350 kilomètres en 21 étapes, où là, l’avantage se fait sentir autrement. Un gros peloton ce n’est pas un gros triathlète; ça coupe pas mal plus le vent et ça t’aspire autrement vers le sommet de l’EPO, « de l’Olympe » je veux dire.

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Bref, ça pourrait être une bonne idée pour le coureur de faire une sortie par semaine en côtes. Même chose pour le cycliste. Et si le coureur québécois commence officiellement sa saison en mars, disons que d’ajouter des côtes à son entraînement dès le début de l’hiver peut être une bonne idée si on considère que le mois de novembre et la majorité de décembre constituent une période plus relaxe pour lui. Pour le vélo, c’est certain que c’est différent car la majorité des cyclistes se sont entraînés sur une base d’entraînement intérieure pendant l’hiver. Mais si le cycliste a bien travaillé son affaire (c’est-à-dire son seuil, sa puissance, son coup de pédale et de bonnes variations de cadence), il ne devrait pas être trop rouillé dès le jour 1 à l’extérieur. Personnellement, je fais toujours un « reality check » dès ma première sortie au printemps en allant faire un tour sur la voie Camillien-Houde (c’est à côté de chez-moi). Bien que cette première escapade me donne rarement envie de remonter plusieurs fois cette sympathique bosse, je suis toujours agréablement surpris par mon état de forme. Il faut dire que je suis triathlète et que je cours tout l’hiver sur le mont Royal (comme on dit, un sport subventionne l’autre…), mais quand même, disons que ça s’attaque très bien cette voie controversée.

Vélo de route ou vélo de triathlon?

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Oh! que je n’entrerai pas totalement dans ce débat qui est un véritable panier de crabes (mais je vais y glisser un orteil, quand même)! Pourquoi? Pour plusieurs raisons; certains vélos dits de triathlon sont davantage des vélos de contre-la-montre et n’affichent pas le même comportement en côtes qu’un vélo vraiment conçu pour le triathlon, et encore moins celui d’un vélo de route, ensuite, la question est aussi épineuse car plein de facteurs entrent en ligne de compte (le type de positionnement, de pédalier, de cassette, de roues, le fait d’être ou non en DI2 et d’avoir ainsi les vitesses tant au guidon qu’aux prolongateurs). Bref, c’est souvent du cas par cas. Si je prends mon cas en exemple, je n’ai eu que 3 vélos de triathlon (de 3 marques différentes) dans ma vie et aucun ne se comportait de la même manière en côtes. Et si aucun ne grimpait aussi bien qu’un vélo de route de qualité (encore là, il y a toutes sortes de vélos de route avec toutes sortes de vocations différentes…), tous se débrouillaient assez bien en côte. J’oserais même dire que mon vélo actuel de triathlon grimpe peut-être mieux que certains vélos de route. Ma seule certitude, c’est que si tu vis au Québec et que tu fais des triathlons à moins de 800 km de la maison, j’opterais systématiquement pour un vélo de triathlon si tu t’attaques à des 70,3 ou 140,6. Aucun triathlon des environs n’est assez technique ou pentu pour avoir plus de gain avec un vélo de route quand on pense au parcours global. On est loin de Nice ici. Et on n’est pas à SavageMan non plus. À ces endroits, je me poserais la question. Mais aux environs? Emmenez-en des Muskoka, Lake Placid, Magog, Tupper Lake ou Syracuse; tous ces parcours ont des portions vallonnées ou des bouts assez plats pour justifier un vélo de triathlon si on en possède un. Pensez à Tremblant; s’il y a Duplessis qui comportent quelques caprices lorsqu’on ne la connait pas, il y a aussi toute la portion 117 et la Montée Ryan où l’on est bien content de rouler en TT. Et ne me parlez pas de la côte de la Conception; premièrement, il faut d’abord la descende et sur ce point le vélo de tri gagne, ensuite, lorsqu’on la monte, et bien ça se fait en ligne droite tout en continu, rien de bien technique. Pour ma part, mon vélo de route est trop nerveux pour être rapide sur une autoroute; j’opte pour mon tri. Maintenant, si tu fais un sprint ou un olympique…c’est autre chose, surtout à Tremblant. Mais là je te parle de moi, de mes courses, de mes vélos et de mes capacités, je ne connais pas tes montures ni tes mollets, et surtout, je ne connais pas tes connaissances en technique de grimpe car, entre toi, moi et le canapé, c’est surtout là que ça se joue. Le choix de roues? On en reparlera, ça serait trop long pour le faire dans cet article, mais en gros, les roues idéales pour la grimpe sont moins profilées, plus légères et plus rigides. Ta 90 millimètres arrière ne te saura pas d’une grande utilité lorsque tu monteras une côte à 22 km/h; elle est lourde pour rien et en plus, quand tu montes en danseuse (laisse tomber les blagues plattes; je les ai toutes entendues), elle risque de frotter (je t’ai dit de laisser faire les blagues plattes de mononcle!) sans arrêt sur les patins de frein (à moins bien sûr d’avoir des freins à disque) car elle est un peu molle, ta roue à 4000$ (ben oui, il y a des vérités qui font mal).La côte d’Adam 2

De la technique avant tout

Bien monté une côte, ça s’apprend. Ça s’apprend, mais il faut que tu veuilles apprendre. Je ne vous dirai pas le nombre de chicanes de couple que j’ai vu sur le bord des routes au pied ou au milieu des côtes…Mais je peux vous dire que votre conjoint ou conjointe n’est pas toujours la meilleure personne pour vous montrer comment attaquer ce territoire. Ça vaut souvent la peine de réserver les conseils d’une ou d’un vrai pro pour apprendre. Souvent, il suffit d’une seule bonne séance pour changer complètement sa vision des choses. Pis n’allez pas vous fier trop vite au bon grimpeur Ti-Jo Connaissant qui traîne à côté de vous. Ti-Jo a souvent des gros mollets (ou encore il pèse 110 livres mouillés) et il fait tout tout croche, mais il est capable car il s’appuie sur sa masse musculaire ou sur le fait qu’il n’a pas de poids à traîner. Savoir changer de vitesse au bon moment, savoir quand se lever, savoir comment se reposer dans le travail et apprendre à tirer profit de la ligne de pente est un art, mais un art très accessible. Et ce, peu importe ta morphologie et ton sexe.

La côte d’Adam

La côte d’Adam 1

Terminons modestement sur une leçon d’histoire. Tu le sais, hein, qu’Ève n’est pas née d’une côte d’Adam? C’est une mauvaise traduction du mot « os » qui perdure depuis des siècles. Ça arrive, des erreurs de traduction, prend le vieux Joseph, penses-tu vraiment qu’il travaillait le bois dans ce coin de la planète où il y a moins d’arbres que de sable? Les évangiles décrivent Joseph en termes de «tektōn» (τέκτων, mot grec), et ben ça, un tek machin, ben ça peut autant être un maçon qu’un charpentier. Cocu ou non. À réfléchir… Bref, pour revenir à Adam et Ève, l’os en question ne se situerais pas au niveau des côtes mais bien dans la région pelvienne. Ça serait, disons, un genre d’os de queue. Ben oui. Donc, Ève, selon l’histoire d’os, serait probablement le résultat d’un acte un peu plus courant que celui de puiser dans les côtes de l’Adam d’à côté. Enfin! Quant à moi, je ne sais pas si ce Adam a existé ou non, mais le mien d’Adam a une blonde qui ne s’appelle pas Ève et qui a foutu un os dans l’histoire parce qu’elle grimpe pas mal mieux qu’Adam (désolé man!), et tout ça, parce qu’elle possède une technique d’enfer. Laisse-moi te dire qu’Adam ne l’invite pas souvent à nos sorties à Sainte-Adèle…Et ne cherche pas la fameuse côte, je ne te dirai pas précisément où elle est car je n’ai pas envie qu’elle devienne le Lac Rond des côtes. Quand un lieu devient trop fréquenté, les résidents finissent un jour par imposer des règles pour protéger leur intimité, la propreté et la sécurité des environs. Ne pars pas de rumeur, le Lac Rond accueille encore les porteurs de Wetsuit gratuitement et gentiment, mais, je ne sais pas, il me semble que le vent pourrait tourner comme sur un dix cents. Le paradis des uns, par un malentendu ou une simple erreur de traduction, peut devenir l’enfer des autres.